Une Française qui s’est rendue 80 fois au Vietnam
Autrefois désespérée de ne pas pouvoir avoir d'enfants, Florence Cavalier a adopté quatre enfants vietnamiens et a effectué 80 voyages dans leur pays d'origine en 32 ans pour faire du bénévolat. Florence Cavalier et M. Olivier
Autrefois désespérée de ne pas pouvoir avoir d’enfants, Florence Cavalier a adopté quatre enfants vietnamiens et a effectué 80 voyages dans leur pays d’origine en 32 ans pour faire du bénévolat.

Florence Cavalier et M. Olivier Brochet, ambassadeur de France au Vietnam
Son parcours a commencé par une douleur personnelle. Née avec une malformation utérine et de multiples fausses couches, Florence était quasiment incapable de devenir mère. En 1993, ce désir l’a conduite avec son mari dans un orphelinat de Can Tho. Parmi des dizaines d’enfants souffrant des séquelles de la guerre, ils ont accueilli des jumelles fragiles atteintes d’hydrocéphalie.
« C’était à la fois du bonheur et de la douleur. À ce moment-là, j’ai su que ma vie serait liée au Vietnam », se souvient Florence, 58 ans, originaire des Yvelines (France).
Pendant les deux premiers mois, l’Hôpital pour Enfants No. 2 a été leur foyer. Les années suivantes, c’était à l’hôpital Necker à Paris pour prodiguer des soins respiratoires à leurs enfants. « Ce Noël-là, Paris était illuminée, et je tenais encore ma fille Aurélia aux urgences », se souvient-elle.
L’amour des enfants a donné lieu à d’autres voyages. En 1995, le couple a adopté un troisième fils, Benoît, dans un centre d’accueil de Hô-Chi-Minh-Ville. Bien que normal physiquement, le garçon souffrait d’un profond traumatisme psychologique. Lorsque Florence a dû rentrer en France pour que son mari puisse prendre sa place, Benoît est resté silencieux pendant dix jours, s’enfermant en lui-même par peur d’être à nouveau abandonné. « Cette obsession l’a suivi pendant de nombreuses années », a raconté Florence.
Le quatrième enfant adopté de la famille, Hugo, est né prématurément de 30 semaines en 1998, pesant seulement 1,2 kg. Il a dû passer deux mois en couveuse, à 5 mois, il ne pouvait toujours pas lever la tête. Le mari de Florence, Jean-Paul, lui a fait des séances de kinésithérapie quotidiennes. Le parcours d’Hugo a ensuite comporté des années de thérapie respiratoire, d’orthophonie et de kinésithérapie.

Les quatre enfants vietnamiens adoptés de Florence et de son mari et leur fille nouveau-née, 2003.
Après avoir adopté quatre enfants vietnamiens, Florence tombe enceinte de manière inattendue en 2003 et donne naissance à sa fille Héloïse.
Mais la peur de l’abandon, lorsque ses parents eurent leurs propres enfants, s’installa chez Benoît, alors âgé de 7 ans. Le jour où Florence revint de l’hôpital, il fit ses bagages et se prépara à quitter la famille. Elle fut contrainte de tout laisser de côté pour se concentrer sur le soutien psychologique de Benoît.
Petit à petit, la vie en famille et les voyages ont créé un lien fort. Les aînés se sont confiés à leur cadette. « J’ai allaité Héloïse jusqu’à un an et les aînés étaient curieux et ont voulu goûter. J’ai compris que c’était leur façon de créer du lien, alors je les ai laissés goûter à chacun d’eux plusieurs fois ».
Les cinq enfants sont désormais grands. Hugo est ingénieur en robotique, Benoît est développeur logiciel, les jumelles Aurélia et Marie travaillent dans les ressources humaines et le marketing, et la plus jeune, Héloïse, étudie la médecine vétérinaire.
Mais l’amour de Florence envers ses enfants vietnamiens ne s’arrêtait pas là et l’a poussée à penser à d’autres enfants. En 2007, elle a fondé l’EPVN (Enfance Partenariat Vietnam), forte d’une cinquantaine de membres, dont la plupart étaient des parents d’enfants adoptés d’origine vietnamienne, dans le but d’aider les orphelins handicapés au Vietnam et d’améliorer leurs conditions de vie.
Florence s’est coordonnée avec le département des Yvelines (Ile de France) pour organiser des visites et des travaux dans les centres pour enfants de Bac Giang et Vung Tau.
Par la suite, l’EPVN a également construit des routes, apporté de l’eau potable aux villages, construit des écoles, fait don de bétail et ouvert des formations professionnelles pour aider les plus démunis à devenir autonomes. Au cours des cinq dernières années, l’EPVN a contribué à hauteur d’environ un million USD, contribuant ainsi à améliorer l’éducation, les soins de santé et les moyens de subsistance aux milliers d’enfants et leurs familles à travers le Vietnam.
« Je me souviendrai toujours des repas à Ta Phin (Sapa), lorsqu’une famille abattait un cochon ou offrait des fruits simples que la minorité Ba Na nous remerciait avec leur cœur chaleureux ».

Florence, son mari et leurs cinq enfants en 2025.
Jean-Paul se souvenait qu’une fois, sa femme a été hospitalisée au Vietnam pour le choléra. « En juillet 2024, alors qu’elle distribuait des truies à Vi Xuyen, elle a failli s’évanouir à cause de la chaleur », a-t-il raconté.
Ses enfants ont également été encouragés à rester connectés à leurs racines. Aurélia s’est portée volontaire à Bac Giang, Marie a aidé des étudiants à fabriquer des poubelles en bambou. Avec d’autres bénévoles vietnamiens, Hugo a pavé 2 km de routes en béton et a appris la médecine traditionnelle auprès d’une famille de l’ethnie Dao Rouge. Héloïse s’est également rendue au Vietnam avec sa mère à trois reprises, accompagnée d’étudiants vétérinaires.
Parmi eux, Hugo est celui qui est le plus attaché à l’Asie. Passionné de cuisine asiatique, il voyage beaucoup et a rêvé d’épouser une femme asiatique. Ce rêve se réalisera dans quelques jours, le 13 septembre 2025, lorsqu’il épousera une Coréenne, elle aussi enfant adoptive.
Depuis 1993, année où elle a envoyé le premier lot de matériel médical à l’hôpital Tu Du, Florence et l’EPVN ont offert à des milliers d’enfants et de familles vietnamiens davantage de possibilités d’étudier, de recevoir des soins médicaux et d’améliorer leur condition de vie. Sa seule motivation a toujours été « d’aider les plus pauvres et les plus malades ».
Au cours de ses nombreuses visites au Vietnam, Florence se voit souvent poser la question : « Pourquoi une Française comme vous soit si profondément attachée au Vietnam ? »
Sous la maison sur pilotis du village de Khuoi Chau (Tuyen Quang), où elle vient de donner des animaux reproducteurs à des familles pauvres, Florence sourit, le regard chaleureux : « Parce que le Vietnam m’a donné l’opportunité d’être mère. »
Cet été, lors de son 80e voyage, Mme Florence Cavalier a reçu la Médaille de l’Amitié de l’État vietnamien à l’occasion du 80e anniversaire de la Fête nationale.