ÉMOTIONS DE FRANCE 30/04 – 01/05/75: UNE GÉNÉRATION TOUJOURS TOURNÉE VERS SES ORIGINES
Le 30 avril et le 1er mai ne sont pas seulement un souvenir, mais aussi un rappel de la puissance de l’esprit national qui transcende les océans et le temps.
(Photo Lê Tấn Xuân 75 MAUBERT, TET, Danse des drapeaux)
Paris – Marseille, printemps 1975. Des larmes coulaient sur les joues, mêlées aux acclamations de la victoire et au drapeau rouge à l’étoile jaune flottant au cœur de l’Europe. Près d’un demi-siècle s’est écoulé, mais les souvenirs du moment historique du 30 avril au 1er mai de cette année-là sont toujours vivaces dans le cœur des Vietnamiens vivant loin de leur pays natal. Surtout avec deux figures typiques – Vo Si Dan et Can Van Kiet – membres vétérans de l’Union générale des Vietnamiens de France (UGVF), cette génération qui, malgré la distance qui les sépare de leur pays, a consacré toute sa vie aux idéaux d’indépendance, d’unification et de construction de la patrie.
Ceux qui portent dans leur cœur un Vietnam indivisible
Vo Si Dan, né le 07/06/1936 est un des rares témoins encore vivant du mouvement patriotique centenaire des Vietnamiens en France. Il arrive en France en décembre 1955, quelques mois seulement après la signature des Accords de Genève. À partir de ce moment-là, il a clairement défini sa voie : lutter pour un Vietnam unifié, indépendant et inséparable.
En 1956, Dan a participé activement à l’Union des Vietnamiens en France (UVF), une organisation qui a fait campagne pour des élections générales conformément à l’Accord de Genève. Dans les années qui suivirent, confrontés aux mauvaises nouvelles venues du Vietnam – de l’escalade de la guerre américaine aux bombardements du Nord–, lui et ses amis continuèrent à écrire des articles, à distribuer des tracts, à organiser des séminaires… appelant l’opinion publique internationale à se ranger du côté de la justice.
Le 27 janvier 1973, lors de la signature de l’Accord de Paris, il ne peut cacher son émotion :
« J’ai versé des larmes. Mais la joie n’était pas totale, car le gouvernement de Saïgon est resté obstiné. »
Et puis, le bonheur complet est arrivé. Le 30 avril 1975, au milieu du Paris bleu et clair, la nouvelle de la libération de Saïgon le laisse « silencieux quelques secondes… puis il a fondu en larmes ».
Cet après-midi-là, place de la République, il est dans les rangs de la communauté vietnamienne qui est descendue dans la rue en criant « Le Vietnam a gagné ! » dans une ambiance inédite. Et le lendemain matin, le 1er mai, avec ses ami(e)s, il a rejoint le peuple français pour célébrer la victoire du Vietnam lors du défilé de la Journée internationale du Travail, apportant avec elle la joie d’une nation renaissante.
Can Van Kiet, né en 1943, fut l’un des premiers étudiants autofinancés à partir étudier en France en 1964. Dès les premiers jours où il posa le pied à Marseille – Aix-en-Provence, il ne choisit pas une vie facile. Au contraire, le jeune homme s’immerge très tôt dans les activités patriotiques au sein de la section Marseille – Bouches du Rhône, dépendant de l’UVF.
Lorsque les provinces du Centre furent libérées l’une après l’autre au mois de mars 1975, l’atmosphère de la communauté vietnamienne à Marseille était plus excitante que jamais. Réunions urgentes, suivi de la grande offensive, lettres envoyées à la hâte à la famille au Vietnam… tous les esprits sont tournés vers le moment où la nation attend depuis plus de deux décennies. « J’ai pleuré toute la journée du 30 avril et du 1er mai. J’ai pleuré parce que j’étais heureux pour mon pays. » – des mots simples mais touchants partagés par Kiet.
Un jour seulement après la grande victoire, la délégation vietnamienne à Marseille a rejoint la foule célébrant la Journée internationale du Travail. Pour la première fois sur l’avenue principale, le drapeau du Front de libération nationale et le drapeau rouge à étoile jaune flottaient au milieu des cris :
« Vive la Paix et vive la Réunification du Vietnam ! »

De Paris à Marseille : Une vie, une mission
La victoire de 1975 n’a pas mis fin à leur mission, mais a ouvert un nouveau chapitre. Des gens comme Dan et Kiet sont passés du statut de témoins actifs à celui de créateurs. Ils ont contribué à la transformation de l’Union des Vietnamiens en France (UVF) en Union générale des Vietnamiens de France (UGVF), développant des activités culturelles, commerciales et éducatives pour aider le pays à se reconstruire après la guerre.
« Ce que je chéris le plus, c’est la solidarité au sein de la communauté vietnamienne et la forte amitié entre les peuples français et vietnamien » a affirmé Kiet.
« Nous croyons fermement que même loin du pays, nous pouvons toujours contribuer à notre patrie » – a ajouté Dan.
À la prochaine génération : n’oubliez pas que vous êtes vietnamien
À plus de 80 ans, les deux hommes continuent de transmettre la flamme. Pour eux, le plus grand souhait n’est pas d’être honorés, mais de voir la jeune génération vietnamienne en France suivre leurs traces, continuer à tenir le flambeau du patriotisme et comprendre leurs racines.
« Quelle que soit votre nationalité, n’oubliez jamais : le sang vietnamien coule toujours dans vos cœurs. Préservez la langue et la culture vietnamiennes et soyez un pont pour une amitié toujours plus forte entre la France et le Vietnam ».
Une génération qui n’oublie pas
Le 30 avril et le 1er mai ne sont pas seulement un souvenir, mais aussi un rappel de la puissance de l’esprit national qui transcende les océans et le temps. Des personnes comme Vo Si Dan et Can Van Kiet ont vécu, ont été témoins, ont contribué et continuent de nous inspirer. Ils sont la preuve vivante d’une génération qui n’oublie jamais ses racines et constituent le pont reliant le passé, le présent et le futur.
La patrie, même si elle est à l’autre bout du monde, est toujours dans nos cœurs.
Hồng Hà



