LA VICTOIRE DE L’AMOUR
Nous n'oublierons jamais ce matin, mercredi matin, 30 avril 1975
30 avril 1975
Tard hier soir, quelques-uns d’entre nous étaient assis ensemble, nos cœurs battant sur les pas rapides de l’histoire de notre nation. Et nous nous partageons les tâches urgentes à faire. Il faut vivre au rythme de ces moments historiques du pays. Les informations de fin de soirée à la radio étaient aussi courtes que froides. « Les derniers Américains ont été évacués de Saïgon, dans une scène de chaos indescriptible ». Et qu’en est-il de nos compatriotes, des millions de personnes qui se lèvent pour prendre leur destin en main ? Les journalistes d’aujourd’hui savent-ils que, depuis quelques jours, chaque nouvelle du Vietnam est porteuse d’espoir et de bel avenir pour nous tous, les enfants qui vivent loin du pays natal ?
Le soleil du petit matin s’est levé, comme une réalité glorieuse qui est en train de s’installer sur la patrie. Le journal de 7 heures est toujours succinct, mais cette brièveté est tellement importante. Pour nous, cela signifie :
La guerre est finie. Saigon a été libérée. Les gens descendent dans la rue. Le drapeau de la libération flotte sur le Palais de l’Indépendance. Salut à l’armée de libération. Salut à la Révolution. Bravo à vous, soldats de la liberté et de l’indépendance !
Le drapeau a flotté et flottera pour toujours ! Oh, ce drapeau qui a illuminé au cours des dix dernières années les âmes de nombreuses générations, a fait battre nos cœurs à de nombreuses reprises, nous conduisant à la véritable indépendance, à la véritable liberté. Ce matin, nous étions nombreux, Vietnamiens à l’étranger, à nous rencontrer et vivre ensemble avec notre patrie. Mon ami a couru vers la maison, rien qu’en voyant le sourire dans ses yeux et la cravate propre, j’ai su ce qu’il voulait dire. Au siège de l’Union des Vietnamiens en France, qui porte encore les traces de l’explosion perpétré par des fascistes la nuit dernière, avec ses portes en fer tordues et ses vitres brisées, j’ai vu de nombreux visages radieux et des pas amicaux qui semblaient avoir des ailes. À l’Institut de recherche universitaire, la standardiste avait le sourire compatissant : « Quel grand jour pour votre pays ! ». Au restaurant, un Américain a serré dans ses bras M. Dong, le Président de l’Union et a répété :
« C’est la meilleure, la meilleure façon. »
Oh, joie si immense, si intense et pourtant si sereine dans les esprits. Nous n’oublierons jamais ce matin, mercredi matin, 30 avril 1975. En ce moment, du plus profond de moi-même, j’ai voulu être présent aux côtés de mes parents, de mes frères et sœurs, de tous mes proches et amis qui sont encore à Saigon ou même certains qui vivent quelque part en ce monde. Finies les angoisses et inquiétudes, voici le moment tant attendu. Le chaos, l’horreur, la douleur, l’humiliation, tout cela doit appartenir au passé. Aussi dans le placard du passé les envahisseurs et traîtres, auteurs de destruction, de mort et de haine. Je veux serrer dans mes bras mes proches, partager le merveilleux bonheur que nous donnent ces deux mots :
PAIX ET INDÉPENDANCE.
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VƯƠNG THAO
Paris, 30-4-75
Photo Lê Tấn Xuân: Avenue de Villiers 75/5/6