Déminage au Vietnam : un combat quotidien pour rendre la terre à la vie
Près d’un demi-siècle après la fin de guerre du Vietnam, le pays reste profondément marqué par son passé. Sous la terre vietnamienne, les bombes et mines abandonnées continuent de menacer des millions de vies et
Près d’un demi-siècle après la fin de guerre du Vietnam, le pays reste profondément marqué par son passé. Sous la terre vietnamienne, les bombes et mines abandonnées continuent de menacer des millions de vies et de freiner le développement des campagnes. Selon Centre national d’action contre les bombes et mines du Vietnam (VNMAC), environ 800 000 tonnes de restes explosifs sont toujours disséminées à travers le territoire, contaminant 5,6 millions d’hectares de terres. Depuis 1975, ces engins ont causé plus de 40 000 morts et 60 000 blessés, dont de nombreux enfants et soutiens de famille. Au-delà des chiffres, cette menace invisible pèse chaque jour sur la vie quotidienne des habitants.

Héritage d’un conflit meurtrier
De 1955 à 1975, la guerre a fait du Vietnam l’un des pays les plus bombardés de l’histoire. Les forces américaines ont largué plus de bombes que pendant la Seconde Guerre mondiale, laissant derrière elles des millions de munitions non explosées. Ce lourd héritage est aujourd’hui particulièrement visible dans le centre du pays.
Des provinces comme Quang Tri, Quang Binh et Hà Tinh, autrefois au cœur des combats, restent fortement contaminées. Dans le district de Can Lôc (Hà Tinh), les 17 communes et bourgs sont touchés, obligeant les habitants à cultiver des terres où chaque coup de bêche peut s’avérer mortel. Depuis plus de trente ans, la région y a recensé 36 victimes, dont 15 décès.
Une politique nationale de déminage structurée
Conscient de l’ampleur du danger, le gouvernement vietnamien a lancé en 2010 le Programme national de déminage 2010–2025, connu sous le nom de Programme 504. L’objectif est clair : mobiliser les ressources nationales et internationales pour éliminer les restes explosifs et permettre le développement socio-économique dans les zones touchées.
En quinze ans, plus de 500 000 hectares ont été nettoyés, permettant la neutralisation de millions de bombes, d’obus, de grenades et de mines. Le Centre national d’action contre les bombes et mines du Vietnam (VNMAC), créé en mars 2014, assure la coordination des opérations à l’échelle nationale. Ces efforts permettent de rendre des terres agricoles exploitables et de sécuriser les communautés rurales.
L’aide internationale, indispensable
Le Vietnam ne mène pas cette lutte seul. Les États-Unis ont versé plus de 250 millions de dollars pour soutenir les activités de déminage, une aide symbolique dans un pays où la majorité des explosifs proviennent des bombardements américains.
Un projet de coopération entre le Vietnam, République de Corée et Programme des Nations Unies pour le développement (KOICA–UNDP), doté de 25 millions de dollars, cible en priorité les provinces les plus contaminées : Quang Binh et Quang Tri.
Depuis 1999, Mines Advisory Group (MAG), une organisation humanitaire internationale, joue également un rôle majeur. L’ONG a nettoyé plus de 286 km² de terres et détruit plus de 350 000 engins explosifs, contribuant ainsi à redonner vie à des zones agricoles autrefois interdites d’accès.

Le quotidien des démineurs : rigueur et danger
Sur le terrain, le travail de déminage se déroule dans des conditions éprouvantes. Les équipes de MAG s’exposent quotidiennement au soleil, scannent chaque centimètre de sol et utilisent des appareils portatifs au moindre soupçon. Lorsqu’un signal est détecté, ils creusent avec une extrême prudence, sous le regard vigilant de leurs supérieurs.

Le 1er octobre, à 7 heures du matin, l’équipe MAT99 de MAG a entamé une nouvelle mission dans la forêt de protection du village de Dong Tam, commune de Nam Cua Viet, dans la province de Quang Tri. L’objectif : neutraliser des bombes à sous-munitions. Les démineurs ont acheminé machines et équipements à travers sable blanc, végétation dense et zones inondées.
Cette opération, lancée le 11 août, concerne une surface totale de 200 000 m². Après 22 jours de travail, l’équipe avait déjà traité 45 100 m², découvert trois bombes à sous-munitions et cinq autres matériaux explosifs. « Lorsqu’il soupçonne que la zone contient des bombes, un employé utilise un appareil portatif pour déterminer l’emplacement exact, creuse soigneusement et prévient le capitaine et l’adjoint pour vérifier et classer les matériaux. Cela peut être une bombe, parfois juste un morceau de ferraille », explique un démineur.
Une mission humanitaire au long cours
Depuis son arrivée au Vietnam en 1999, MAG a déminé plus de 300 km² de terres, neutralisé 400 000 explosifs et offert un environnement plus sûr aux communautés de Quang Tri et Đà Nẵng. Ses activités sont aujourd’hui soutenues par les gouvernements américain, japonais et canadien.
Le déminage est un travail lent et dangereux, mais ses effets sont durables : les terres nettoyées redeviennent cultivables, les enfants peuvent marcher en sécurité, et des villages entiers renaissent.
Si les progrès sont réels, le Vietnam reste l’un des pays les plus contaminés au monde. Le combat contre les restes explosifs de guerre est loin d’être terminé, mais chaque mètre carré sécurisé représente une victoire contre les cicatrices invisibles de la guerre.
Lepetitjournal Ho Chi Minh Ville (13 octobre 2025)